Après une période d’inactivité relative, je reprends mon blog voile pour décrire ma dernière régate, la deuxième sur mon Open 500 Sol Ace. Ma première régate sur Sol Ace était en mars 2016 à Viry-Chatillon avec mon petit-fils Onésime comme équipier. Elle avait été dure avec trop de choses nouvelles et inhabituelles pour Onésime et moi-même et je m’y étais présenté dans un état de préparation inachevée. Depuis, la découverte plus approfondie de Sol Ace et son adaptation à de nouvelles conditions d’utilisation ont absorbé une bonne partie de mon temps libre. La Base Nautique Municipale de Hyères ne me permet pas de maintenir Sol Ace sur la place de parking bateau que j’ai occupée depuis de nombreuses années avec trois voiliers légers successifs et je suis donc passé à une place à quai mensuelle mais l’Open 500 a été conçu pour être essentiellement utilisé à partir de sa remorque et son adaptation à la place à quai qui m’a été assigné a été longue et laborieuse. Alexandre, qui est en poste à Hyères pour une partie de l’été, m’a contacté et nous nous sommes entrainés pour la seule course que nous pouvions faire ensemble, les Six Heures de Bormes.
Sol Ace a eu quelques petits ennuis matériels dans les jours qui ont précédé. La latte supérieure (en biais dans la corne) s’est délaminée, sans doute depuis longtemps, sous l’effort de compression et Hobie Shop a fait un gros effort pour pouvoir nous détailler une latte de remplacement. L’œillet inférieur du passage de la cargue du spi s’est arraché deux fois de suite mais Delta Voile a aussi fait un gros effort pour nous le réparer et le renforcer le samedi après-midi la veille de la régate. Mais cet incident a envoyé une clé à molette dans une préparation qui de calme est brusquement passée à hâtive et désordonnée surtout pour ses phases importantes de dématage-mise-sur-remorque-matage-mise-à-l’eau après avoir plongé pour nettoyer la quille dans l’eau douteuse (visibilité 15 cm) du port où je n’ai eu aucune chance de retrouver mon grand racloir blanc après l’avoir perdu. Faute de temps on ne prépare pas le spi qui reste dans son sac. Un détail, mais nous avions finalement trop de choses nouvelles à faire en trop peu de temps.
Alexandre était de garde une partie de la nuit de samedi à dimanche et moi je me suis réveillé au milieu de la nuit ne me rappelant plus où nous avions rangé certaines pièces essentielles, telles que les poulies des écoutes de foc et le bout qui relie l’œillet du spi à la cargue. Nous manquions de sommeil tous les deux au matin (un autre détail) mais nous arrivons à peu près à l’heure prévue à Bormes. Excellente réception de la part des organisateurs qui nous envoient vers la cale du port pour la mise à l’eau. Sur cette cale par contre nous sommes mal accueillis dans la cohue du dimanche matin d’août des mises à l’eau des bateaux-et-joujoux-à-moteur (un détail). Nous découvrons qu’une sangle tenant le bateau à la remorque a été cisaillée net pendant le transport. Un détail qui aurait pu avoir de grave conséquences. Nous cafouillons un peu. Michel et Sophie arrivent avec Adésias et nous mutualisons les opérations mais c’est lent vu la relative inexpérience avec l’Open 500 de trois d’entre-nous. Je dois accompagner Michel au briefing car il ne s’était pas inscrit par mail (un détail).
Pour ne pas mouiller mon essieu arrière (d’autant plus qu’il est électrique sur ma 3008 HY) il me fallait bien sûr une rallonge entre la boule de la voiture et la remorque. Cette rallonge je ne l’avais pas (un détail) mais Michel nous prête la sienne. Nous garons les remorques facilement dans les espaces réservés pour cela (un grand bravo à la municipalité de Bormes) mais nous perdons un temps fou (un détail) à essayer de faire fonctionner les horodateurs qui sont particulièrement lents à réagir au clavier et refusent plusieurs fois de suite de terminer proprement la transaction. J’abandonne et affiche sur mon tableau de bord le ticket de la transaction annulée, ce qui m’aura évité un PV couteux.
Nous prenons de plus en plus de retard mais heureusement on apprend que le départ est retardé par la pétole et le retard pris par les cata-dériveurs de leur coté (ils mettent à l’eau devant le club, eux). Olivier, un des organisateurs, contacté sur VHF77, nous envoie un moniteur sur un semi-rigide pour nous remorquer. Il est bien sûr interdit de naviguer à la voile dans le port mais aussi la route est longue de la cale à la zone de départ et nous sommes lâchés légèrement au vent de la ligne de départ au moment où le comité lance la procédure du premier départ. Nous sommes le deuxième départ, information pas très claire sur les instructions de course mais donnée au briefing général à 9h30. Nous avions constaté en hissant la GV que les lattes supérieures ne passaient pas facilement surtout dans la pétole avec le Cunningham bien détendu (un gros détail) et donc tout naturellement nous affalons la GV pour détendre ces lattes. Nous constaterons pendant la course que ces lattes auraient demandé encore moins de tension et pendant la course nous aurons souvent à border l’écoute et le Cunningham et brutaliser horizontalement la bôme après un virement de bord ou un empannage. Ce détail sera une cause importante de notre manque de vitesse sur l’eau ce jour là et heureusement que nous avions déjà réduit cette tension juste avant le départ. Une autre cause probable est sans doute une tension trop faible de l’étai.

Michel était tracté derrière nous par le semi-rigide et a remarqué que nous glissions latéralement un peu trop pour être honnête. Il s’est bien gardé de me faire part de ce détail, ce sacré compétiteur! Pendant l’opération de réglage des lattes, j’essaye d’avancer aussi vite que possible mais nous nous retrouvons à plus de 40 m sous la ligne à la minute avant notre départ. Comme les grosses unités de notre classe ne sont pas trop denses, nous devrions cependant avoir une chance de passer la bouée avec un peu de vitesse et pas trop tard après notre départ. Mais non! On n’arrive pas à accélérer et surtout on n’arrive pas à garder le cap vers la bouée! Bon sang, mais c’est bien sûr! Nous avons tout simplement oublié de descendre la quille! Il faut maintenant ouvrir ce sacré capot pour mettre le bout-sans-fin sur sa vis-sans-fin et ensuite descendre la quille en 40 coups de cuillère à pot!
On arrive enfin à tenir le cap et à éviter de tomber dans le traquenard que le croiseur sur notre bâbord est prêt à nous tendre. Le croiseur droit devant nous ne nous donne pas trop de turbulences car nous sommes un tout petit peu au vent de son sillage mais il faut à tout prix s’en éloigner au vent pour toucher de l’air moins perturbé. Le problème est que nous avons aussi un autre gros croiseur à notre hauteur sur tribord. Nous sommes pour l’instant dans la position « safe leeward« , ce qui est avantageux, mais nous ne pouvons pas nous permettre de le laisser prendre de la vitesse et nous placer dans son ombre de vent. On lofe donc et on se rapproche tout doucement, son étrave étant un peu derrière notre mât. Alexandre hurle un « LOF » très théâtral tandis que je demande « de l’eau » avec un sourire et j’ajoute à l’intention de l’équipage adverse, « il est bon, hein! » en parlant d’Alexandre. Ils se mettent donc à pincer le vent ce qui les ralenti immédiatement et nous donne de quoi respirer et prendre un cap plus efficace. Alexandre n’avait pas assisté au briefing pour pouvoir se consacrer à la préparation du bateau et ne savait que nous régations selon les règles simplifiées RIR et que l’on nous avait spécialement demandé d’être tolérant avec ceux qui n’étaient pas à l’aise avec les règles. Cette régate de club est belle mais décontractée.
On continue à avancer tout doucement, mais aussi vite que possible en privilégiant la vitesse par rapport au cap, au près tribord amures. On presse le foc (penon extérieur à la limite du décrochage) bordé plutôt mou et on bouge le moins possible pour ne pas briser la faible vitesse et on s’éloigne tout doucement de la côte à notre droite malgré mon plan initial qui était d’aller chercher de l’air le long de cette côte. Le plan d’eau sur notre droite est trop labouré par tous ces moteurs divers et les bateaux devant nous sur notre amure semblent bien avancer dans un tout petit peu plus de vent. On est dans un tout petit force 2 et nous n’avons que deux bateaux derrière nous. Il ne faut surtout pas laisser ces petites vagues désordonnées ou organisées par un sillage moteur, briser notre vitesse car sinon la retrouver prendra beaucoup de temps. Alexandre manifeste bruyamment sa frustration vis-à-vis de ces moteurs inconsidérés qui pourraient facilement passer derrière nous mais nous ignorent comme si on était totalement transparents. Il a proprement positionné son poids sous le vent (pour donner du creux aux voiles) et à l’avant (pour réduire la surface mouillée) mais se laisse déconcentrer par ces moteurs.
Les bateaux devant nous commencent à virer de bord vers la pointe de l’Esquillette pour chercher plus de vent qu’ils ne trouvent pas et reviennent ensuite tribord amures. On progresse un tout petit peu mieux qu’eux et donc on continue sur notre trajectoire. Un peu plus tard des bateaux virent de bord mais se plantent dans les parages du cap Bénat et du cap Blanc. On continue dans ce qui semble un petit couloir thermique du Sud-Ouest jusqu’à ce que l’on remarque qu’Adésias, toujours loin devant nous, semble ralentir. On vire de bord presque simultanément avec Adésias mais notre couloir semble un tout petit peu plus productif et on avance un peu mieux pour ensuite passer devant dans la direction du cap Nord de l’ile de Bagaud. Adésias, qui a un meilleur angle, arrive sur notre arrière bâbord et nous hèle pour nous passer le sac étanche de vêtements qu’Alexandre avait oublié sur leur bord au moment de la mise à l’eau simultanée et collégiale des deux bateaux. Adésias passe sous notre vent , on attrape le sac lancé, puis file à notre vent et commence à nous prendre des longueurs. Comment fait-il?
Louvoyage ensuite dans la rade de Port Cros avec quelques croisements car le vent sous l’ile de Port Cros est bien plus variable en force et en direction. Beaucoup de ces virements demandent la gymnastique devenue habituelle du passage de latte et on découvre que la poulie-winch avait été montée à l’envers, ce que l’on corrige facilement. Un détail. Au passage du cap Sud de Bagaud, Adésias a maintenant 10 longueurs d’avance et hisse le spi, bâbord amures. On fait bientôt de même puis Alexandre et moi permutons de position. Alexandre reste haut pour ne pas perdre de vitesse tandis qu’Adésias est un poil plus bas. Nous continuons un bon moment avant d’empanner à notre tour, mais toujours en favorisant la vitesse par rapport au cap. On reste dans le couloir de vent qui nous a si bien aidé à l’aller.
Il y a deux croiseurs devant nous dans le voisinage du cap Bénat, le spi bleu clair de l’Aphrodite 101 Wotan et plus en avant, le spi symétrique vert tabac du First 35 GTE Chocolat. En gros ils nous indiquent la direction de la bouée jaune du port qui est notre prochaine marque, mais nous continuons tribord amures avant d’empanner à notre tour, bien après Adésias qui est maintenant loin sur notre bâbord arrière et choisi de faire des bords d’empannage au plus près de la côte à partir du cap Bénat pendant que nous faisons nos bords d’empannage plus au large. Nous pensions à ce moment avoir creusé l’écart. Comme je fatigue au spi, nous permutons à nouveau de position mais la chaleur et l’absence de sommeil la nuit précédente commencent à alourdir nos paupières.
Un semi-rigide avec un moniteur du club vient nous informer que la course est raccourcie à notre prochaine bouée, qui devient donc la ligne d’arrivée et nous demande si tout va bien. Nous n’avions plus d’eau depuis un bon moment déjà et il nous passe une bouteille qui nous fait le plus grand bien. Merci encore à cette excellente organisation.
L’excitation de l’arrivée proche et la navigation me maintiennent à un niveau d’alerte élevé, mais qui sera malheureusement insuffisant. Loin de la ligne j’ai estimé qu’il fallait privilégier le bateau comité à bâbord avec le spi bâbord amures. J’aurais dû réévaluer constamment cette décision mais ne l’ai pas fait. Nous voyons Adésias empanner au plus proche de la plage et revenir sur nous étonnamment vite. A quelques dizaines de mètres de la ligne il était clair qu’Adésias ne pouvait pas nous passer devant, tribord amures, et nous forcer à empanner. Adésias passe donc derrière nous et je crois la partie gagnée alors que j’aurais dû réévaluer la ligne. Notre vitesse tombe et je cherche à la maintenir en me rapprochant du bateau comité sans me rendre compte que ma trajectoire devenait parallèle à la ligne et que je donnais ainsi à Adésias la possibilité de la couper sept petites secondes avant nous! Nous finissons quatrième et cinquième en temps réel mais premier et second en temps compensé.
Le résultat officiel est:
Adesias a fait les 14 milles en 4h23mn24s. Le plus rapide en temps réel, 33 minutes devant, est un Mat 1010, Flower Power, qui se classe toujours très bien dans les régates IRC de la région mais ne prend que la cinquième place en temps compensé. Le First 35 GTE Chocolat qui fini environ 17 minutes avant nous en temps réel mais moins de 3 minutes derrière nous en temps compensé prend la troisième place en temps compensé. L’Aphrodite 101 Wotan est troisième en temps réel et quatrième en temps compensé.
Je savais que dans le petit temps, la légèreté de nos Open 500 nous permettait d’envisager de bons résultats grâce à un rating HN favorable dans ces conditions. Mes erreurs de préparation et notre vitesse relativement plus faible qu’Adésias auraient dû nous enlever tout espoir après un départ désastreux mais être derrière par petit temps a quelques avantages si on arrive à lire les informations sur le plan d’eau que nous donnent les bateaux devant. Nous sommes bien remontés mais nous n’avons malheureusement pas réussi à rester proprement concentrés jusqu’au bout.
Une régate splendide vers une partie des iles d’Or que je n’avais encore pas parcouru à la voile et une deuxième place à la clé, quelle belle journée!