
Je reconnais m’être laissé emporté récemment par ma plume facile, mon émotion et mon goût de la caricature et de l’exagération emphatique, bref j’ai fait un peu trop de théatre. Tout ce que j’ai dit sur mon Albatros 008 était vrai et mes opinions proprement fondées mais mon style agressif a constitué un obstacle à la compréhension de la substance de mon message. Cela m’a fait du bien de m’exprimer mais il me faut faire un pas en arrière sur le ton pour une communication plus efficace.
Faire des essais et des erreurs est une des méthodes de base de l’ingénierie. Mais pour marcher elle a besoin avant tout que l’on sache reconnaitre ses erreurs. On apprend et on s’améliore ainsi tout doucement. Trop doucement sans doute dans mon cas en voile car j’ai fait tellement d’erreurs en régates que je devrais être maintenant au « très haut niveau« ! Certaines personnes de mon entourage ne reconnaissent jamais leurs erreurs et je vois bien que cela les handicape au quotidien. Il est rare qu’une responsabilité soit attribuable à une seule raison. Dans la vie il faut savoir isoler la raison principale des autres raisons plus annexes et marginales. Il faut savoir aussi se concentrer sur ce qu’on a le pouvoir de changer par rapport à ce qui est en dehors de notre contrôle. On est plus efficaces ainsi.
A la relecture de mes notes, je me suis rendu compte que j’avais dès la mi-août 2014 tous les éléments en main pour soupçonner un problème structurel au niveau du palier d’axe de dérive: l’entrée d’eau dans la coque, les mouvements excessifs et incontrôlés de la dérive et mon repérage visuel à partir du cockpit d’une protubérance inexpliquée au niveau d’un palier d’axe qui apparaissait différent. J’ai essayé de régler le problème en coinçant le fer en U avec un bout de mousse EVA pour l’empêcher de remonter vers le pont et donc libérer ainsi l’axe de son palier. Lorsque cela n’a rien amélioré, j’aurais dû envoyer une petite main palper les deux paliers pour noter s’il y avait une différence. J’avais tous les indices mais je ne les ais pas assemblés. Tous les petits irritants de l’Albatros ont alors pris le dessus, mes sorties sont devenues moins plaisantes et je me suis mis à râler plus dans un effet boule de neige.
My bad est ce disent les sportifs américains après avoir fait une erreur individuelle qui a fait perdre le match à l’équipe. C’est ce qu’aurait pu dire le navigateur de Team Vestas Wind après qu’il soit allé se coucher après avoir vérifié que la route tracée était bonne mais sans se douter, qu’à l’échelle qu’il avait employée, le récif corallien sur lequel son bateau allait s’échouer en début de nuit noire n’apparaissait pas. Les autres bateaux étaient passés dans ce voisinage un peu plus tôt mais à la lumière du jour et avaient noté le problème avec les cartes numérisées, problème qui n’apparaissait pas auparavant avec les cartes papiers. Il a reconnu son erreur primaire qui avait pourtant une forte raison secondaire extérieure. L’équipe a pu se consacrer au sauvetage de l’épave et sa reconstruction possible pour essayer de retourner dans la course avant la grande étape du Pacifique Sud et cela sans controverse interne. En voile ce genre d’erreur arrive à tous les niveaux.
L’argument de JMF, dans sa première phase de réponse à la divulgation de mes informations a été que je mettais à plat le moral de toute l’équipe. J’en suis désolé d’autant plus que le début du développement de l’Albatros avait été particulièrement lent et difficile. Je voudrais souhaiter à toute l’équipe JMF et Sotira un grand succès dans la phase actuelle de montée en puissance de production. Mais mon style d’écriture en est-il la raison primaire, qui plus est extérieure à l’équipe ou bien n’est-il qu’un facteur secondaire extérieur alors que la raison primaire est, elle, intérieure à l’équipe ou ses méthodes, et non encore divulguée après que JMF ait reconnu le problème? Il a assainit la situation vis-à-vis de ses clients et c’est énorme car la production va pouvoir repartir sur des bases plus saines.
Voila ce que je peux dire à mon niveau.